Le bol d'air

 

On a attelé la voiture

mis l'avoine dans le réservoir

puisque nous n'avons plus d'allure

nous prendrons le mors dès ce soir

Il était trois heures du matin

trois heures c'est tard mais peu importe

du moment qu'on a fait le plein

on peut toujours claquer la porte

 

Et même si tout est morose

un bol d'air ça n'est pas grand-chose

 

Il fallait quitter à tout prix

cette grisaille parisienne

se défaire de notre apathie

qui devenait trop quotidienne

il nous fallait une échappée

pour voir si l'âme était atteinte

pour voir sur la plage mouillée

si nos pas laissaient une empreinte

 

Et même si tout est morose

un bol d'air ça n'est pas grand-chose

 

On a mis les bouts vers l'ouest

passé Evreux Nationale treize

à Lisieux tu as mis ta veste

à Deauville j'ai pris la falaise

Là on s'en est mis plein la tronche

en ouvrant les bras et la bouche

de l'iode a savonné nos bronches

et les embruns ont fait la douche

 

Et même si tout est morose

un bol d'air ça n'est pas grand-chose

 

On s'est dit faut qu'on accumule

et tel le sable au fond des poches

on a mis du vent sous les pulls

et l'horizon dans la caboche

Il nous a fallu la journée

pour nous vidanger les poumons

après bien sûr on est rentrés

il faut bien se faire une raison

 

Et même si tout est morose

un bol d'air ça n'est pas grand-chose

un bol d'air ça n'est pas grand-chose

 

un peu plus que l'on ne suppose.

©Franz Alias